Julie Legrand écrit avec le chant des oiseaux

C’est au tour de Julie Legrand, autrice et éditrice, de répondre à mes questions. Elle écrit des romans, des novellas, des pièces de théâtre, des histoires pour enfants, des nouvelles… dont certaines sont publiées dans Kanyar. Elle nous parle d’écriture, d’inspiration, de lectures…

Julie Legrand : « J’aime particulièrement
la littérature américaine ».

Depuis quand écris-tu en général, et des nouvelles en particulier? 
D’aussi
loin que je me souvienne, j’ai toujours écrit : dans un
carnet à secrets en CP, où je consignais des anecdotes d’école.
Des poèmes pour mon grand-père, à 9 ans. Un journal intime, après
avoir lu le journal d’Anne Franck à douze ans. Je me souviens
avoir éprouvé très tôt des difficultés à sortir de la forme
intime. Mes lectures initiaient une envie d’écrire très forte,
doublée d’une impuissance à atteindre mes modèles. À douze ans,
j’ai rédigé un début de roman de science-fiction inspiré par
Dune

de Frank Herbert sans réussir à dépasser le premier chapitre. Au
lycée, j’aimais les surréalistes, les cadavre-exquis, l’écriture
automatique. J’ai été une diariste compulsive entre vingt et
trente ans, période au cours de laquelle j’avais décidé que, à
défaut de pouvoir écrire de la fiction (par manque d’idées ou de
sujet, croyais-je — en réalité, j’avais surtout peur de me
lancer), je devais m’imposer une rigueur d’écriture dans
laquelle je serai la plus précise possible ; une sorte de pacte
d’honnêteté passé avec moi-même-là, duquel naitrait forcément
quelque chose. Formée au métier de comédienne, j’ai ensuite
écrit des scripts de court-métrages, des formes dialoguées, des
monologues. Un stage de
commedia
dell Arte
m’a
permis de me familiariser avec la dramaturgie en construisant le
canevas d’un spectacle en quelques heures à partir
d’improvisations. J’ai ensuite rédigé des critiques de films,
proposé (sans succès) des piges sur des sujets variés, et même
créée l’épisode d’une
sitcom
Puis,
progressivement, la forme s’est étoffée, la fiction s’est
imposée et après avoir écrit deux romans (plutôt brefs), j’ai
privilégié la nouvelle, forme qui me permet de mettre en scène
toutes les idées et fulgurances qui me traversent.

Tu
écris dans Kanyar depuis quelques numéros : comment as-tu rencontré
André ?

J’ai
connu André par le biais de l’appel à textes publié sur le site
de la revue
Kanyar
où j’ai envoyé par mail ma nouvelle,

La
petite communion
.
Il m’a ensuite contactée pour m’annoncer que mon texte était
sélectionné. Quelques semaines plus tard, j’ai assisté à la
soirée de lancement de
Kanyar
3, au café Édouard, à Saint-Denis de La Réunion où je l’ai
rencontré avec une partie de la troupe du théâtre Vollard !



Dans
quelles autres revues écris-tu ?
 

La
première revue dans laquelle j’ai écrit était
La
Gazette de la lucarne
,
revue de la librairie parisienne La lucarne de l’écrivain. J’ai
ensuite collaboré avec des revues d’éditeurs :
É
clat
d’encres
(éditions Chèvre-feuille étoilée) ou

Festival permanent des mots

(éditions Tarmac) et plusieurs recueils collectifs initiés par les
éditions Jacques Flament.


Quelles
autres formes (romans, poèmes, chansons, blog…) ?

J’ai
publié deux romans : l’Extinction,
chez La P’tite Hélène éditions, et
Constellation
du corbeau
qui
paraitra fin avril chez Zonaires éditions. J’ai animé quelque
temps le blog
La
lézarde et le pianocktail
,
un « gîte de couvert littéraire » inspiré par
l’Oulipo. Je m’essaye de temps à temps à la poésie. Et j’ai
écrit plusieurs spectacles jeunesse pour une compagnie de théâtre
montée par une amie comédienne. Forme qui m’a amenée à
développer des projets pour la jeunesse.
 

Pourquoi
as-tu créé une maison d’édition ? Quelle est sa ligne éditoriale
?
 

J’ai
créé Alice au Pays des Virgules, après avoir démarché un conte
inspiré des mythes du Mahabharata, l’épopée indienne, illustré
par ma mère, Nicole Legrand. Suite aux retours encourageants que je
recevais ; mais le projet tardant à voir le jour, j’ai décidé
de me lancer et créer ma propre structure, ce qui a permis de
développer de nouveaux projets en lançant deux collections :
Les petits hublots (albums illustrés) et
Pierre-feuille-ciseaux (cahiers d’activités) sur le thème de
la faune et la flore réunionnaise. En parallèle des éditions, je
propose des ateliers créatifs dans le milieu périscolaire.



 
En
tant que lectrice, quel genre de littérature préfères-tu ? Quels
auteurs/autrices ont pu t’influencer ?

 
J’aime
particulièrement la littérature américaine. Á vingt ans, j’ai
beaucoup apprécié Paul Auster, Siri Hudsvedt, Jim Harrison, John
Irving, ou Nancy Huston. J’ai eu un choc esthétique avec Toni
Morrison dont l’audace formelle, en plus de la force des sujets,
m’a obsédée.
Beloved reste un livre de chevet avec ses fulgurances poétiques, l’usage
des
slash
ou de nuée de mots surgissant inopinément dans le récit. Joyce
Carol Oates, aussi, m’a impressionnée par son écriture
foisonnante et la liberté avec laquelle elle s’empare des sujets
de société ou de faits divers. Aujourd’hui j’aime Lionel
Shriver ou Chuck Palahniuk pour leur regard incisif et sans
concession sur le monde moderne. Laura Kassiscke pour sa poésie
vénéneuse. Dans le désordre, j’ai aussi aimé Duras, Racine,
Césaire, Tchekhov ou Marie Ndiaye… Et Bilal, Bourgeon, Comès, ou
Yslaire pour l’univers BD.

 

Avec
le recul, as-tu des sujets de prédilection ? Je veux dire : as-tu
remarqué des sujets de prédilection qui se dégagent et dont tu
n’avais pas forcément conscience avant ?

Le
rapport à l’art est un thème récurrent. Les rapports familiaux,
amicaux et la maternité, en sont d’autres. 

D’où
te vient l’inspiration ?

De
situations vécues ou plus simplement de l’observation de la vie
autour de moi et tous ces personnages inspirants qui l’animent !

 

Comment
écris-tu (rituels, lieux, horaires, façons de faire…) ?
 

Je
suis matinale. J’aime l’énergie et la lumière du matin, surtout
à La Réunion où le soleil est omniprésent jusqu’en début de
journée. J’écris sur mon ordinateur, au milieu du salon avec le
chant des oiseaux pour seule compagnie… et c’est délicieux !

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Bons baisers de l’île. Tableaux-souvenirs de l’île de la Réunion
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Petites morsures animales