Les éditions Phébus ont réédité en 2007 ce livre choc paru en 1976 : La Dérobade de Jeanne Cordelier — un choc dû aussi bien au fond qu’à la forme. Dans un argot parfois fleuri et imagé,
souvent brutal et réel, il raconte l’exploitation sexuelle, la peur
au ventre, à la merci de la violence, pour un oui ou un non, au coin d’une rue à cause d’un
regard mal interprété ou dans une chambre sans sonnette avec un dingue,
sans parler des coups du maquereau.
Benoîte Groult ajoute une page, trente ans plus tard, à sa première préface, où elle affirme :
« Le récit de Jeanne Cordelier a tout juste trente ans. Il pourrait en avoir cent et avoir été écrit hier. Tant la douleur est éternelle et tant « l’espérance est violente » et tant le talent n’a pas d’âge. Comme pour mieux s’y résigner, on répète que la prostitution est le plus vieux métier du monde. Hélas ! c’est aussi le plus jeune. »
Jeanne Cordelier précise dans la postface de cette dernière édition :
« les plus jeunes générations (…) ne doivent pas ignorer que parmi les horreurs dont l’homme est capable, la prostitution a sa place. Et laquelle ! Une place d’honneur depuis la nuit des temps. Combien de femmes en effet ont été sacrifiées sur son autel ? Des millions ! On ne parle jamais d’elles, ou si peu et si mal… »
Voilà pourquoi c’est une lecture à laquelle il ne faut pas se dérober. Un témoignage éprouvant, mais d’utilité publique, car combien d’autres ne reviennent jamais de cet enfer ?
Éditions Phébus, 2007, 432 pages.